jeudi 5 février 2015

Rock'n Karma

                                                                        Antinea.


Son royaume était vaste, sans chimères et plein de joie.
S'y mélangeaient le desert, le vent, l'éclat du ciel et un air si pur qu'on pouvait nettement y imaginer les Anges qui le peuplaient.
Son règne, enclin à la Volupté, la portait naturellement et son peuple, fort et dynamique, la servait avec ardeur.
Douceur et harmonie accompagnaient son quotidien, paisible, avec pour chaque jour, son lot d'enchantements et de plaisirs.

Bien sûr, elle était belle. Un visage aérien, un port de tête altier et son regard, presque glacé, inondait son visage.
Cependant, son expression laissait transparaître (mais peut-être etait ce la marque de son insondable sagesse?) un voile de melancolie, un vague détachement.

Au debut de son règne, la candeur de l'enfance teintée d'émerveillement ne laissait pas voir ce front un peu triste. Puis, les années passant, le même mouvement qui équilibrait les traits de son visage jusqu'à la perfection la rendirent peu à peu insaisissable, indifférente.
Au-dessus de tout, assise dans sa gloire et son triomphe, peu à peu, elle se coupait de ce monde si parfait, d'elle même si parfaite.

Lorsqu'elle passait au milieu de la foule qui l'acclamait, son regard n'en croisait aucun autre. Ses plus proches n'auraient pas pu déceler si elle sentait une quelconque souffrance, une quelconque émotion...
A son 27 ème anniversaire, à l'apogée de sa beauté et de sa puissance, elle restait dans sa chambre, assise devant sa commode d'ébène et son miroir serti de fines pierres opalines.

Elle n'entendait pas le peuple qui grondait à la porte de son absence.

Sans même baisser les yeux, plongés dans les siens, elle prit délicatement le marque page en ivoire aiguisé et tranchant dans le pot de correspondance de la commode...

"Le suicide est un acte traditionnellement condamné par les doctrines religieuses. En effet, si le fait de se suicider est d'abord un acte contre soi-même, dans certaines conceptions religieuses la destinée de l'homme appartient à Dieu et le suicide constitue alors une rupture dans la relation de l'homme avec la souveraineté de son Dieu. Dans d'autres cas, l'acte est plus simplement considéré comme une action négative. Il existe cependant des nuances à ce rejet global du suicide quand la notion de sacrifice ou d'honneur entre en jeu."

Antinea devint Claphandre, une servante de maison anodine. Trop laide pour que quiconque veuille la toucher, pas assez vive d'esprit pour que quiconque l'écoute, elle était dès sa naissance condamnée à vivre sa condition d'inexistence.
Toute sa vie, Claphandre a ramassé des restes et rogné des os. Son nom n'était que rarement prononcé et souvent, l'on se contentait d'assener l'ordre, crie en l'air, sans se soucier de sa personne. Il s'agissait de servir, rien de plus. Toujours voutée, face à terre, elle passait son temps à étudier le sol dans le but d'analyser ce qu'elle pourrait ramasser pour se nourrir, se vêtir ou s'accommoder un endroit chaud. Sa condition la portât naturellement à s'émerveiller d'un rien, à ressentir la chaleur de la paille qui l'éraflait, tout en imaginant que c'eut été le vêtement le plus chaud, ainsi qu'à concentrer ardemment son esprit sur chaque miette de nourriture qu'elle etait amenée à ingérer, quelle qu'elle soit.
Elle mourut seule, dans l'indifférence générale, sans ami ni famille, les animaux comptaient plus pour la maison d'où elle était issue que sa présence insignifiante.

Claphandre devient Camilia, qui porte le Karma d'Antinea et de Claphandre réuinis en elle.
Tantôt infantile et naïve, tantôt brillante et absente, sa vie a été jusqu'à présent une succession d'abus et d'éclats.





Camen

Il y avait les Hommes de Guerre, les Hommes de Pouvoir, le Peuple et les Hommes de Dieu.
Dans un monde hostile et cruel, rares étaient ceux de la dernière catégorie.
Camen était un Homme de Dieu, et non des moindres. Exemple de dévouement et d'humilité pour sa communauté, il disposait des quelques biens que le monde lui donnait pour ses bénédictions et précieux conseils en toute équité, ne gardant pour lui que le strict nécessaire à sa survie.
Sa nourriture était quasiment uniquement spirituelle. D'une force mentale et d'une générosité pure, cela allié à des convictions spirituelles inébranlables quant au Salut de l'Âme, il réussissait à diminuer les besoins de son corps avec le temps. Cela, tout en comprenant profondément les affres de la nature humaine qu'il s'évertuait d'adoucir.

Camen fut la dernière personne à avoir pu parler à Antinea, qui refusait la présence de tous les dernières semaines de sa vie. Il avait pu apaiser un temps son âme, mais malheureusement, d'autres forces bien trop sombres s'étaient emparées d'elle et la dévoraient depuis trop longtemps déjà.

Sa réputation n'était plus à faire, et il pouvait facilement déclencher l'envie des autres pour son exceptionnelle spiritualité. En effet, des factions se forment souvent rapidement contre ce genre de personne hors du commun, mais son détachement était tel et sa force mentale si grande que personne n'aurait pu lui faire le moindre mal. Il parvint rapidement à la direction de la communauté sans s'y évertuer, par sa simple intelligence dévouée au bien-être général.

Camen devint Benjamin, artiste travailleur d'une âme noble et généreuse, doté d'un mental inébranlable. Il attire la sympathie du monde environnant aussi naturellement qu'il respire et n'est que bienveillance, pensant quotidiennement à autrui avant de penser à lui-même.



Le Cardinal de Rostian








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